Le Pays Basque est connu pour sa gastronomie, ses fêtes, ses compétitions de surf et ses montagnes verdoyantes. Mais c’est aussi une terre riche en histoire et en folklores. Les mythes d’antan sont encore bien vivaces et ressurgissent à travers les fêtes locales tout en s’entremêlant à l’Histoire. Quelques randonnées permettent de remonter le temps à la recherche de ces légendes locales comme, par exemple, la randonnée transfrontalière du pottock bleu.

Celle-ci est l’occasion parfaite de vous faire découvrir deux de mes passions : la randonnée et l’Histoire. Le sentier sur lequel je vais vous mener est balisé par un pottock (petit cheval local) de couleur bleu, peint sur les pierres. Il vous permet de traverser quatre villages : Sare et Ainhoa, en France, ainsi que Zugarramurdi et Urdax, en Espagne. Ils font partis du canton de Xareta qui se caractérise par ses sites emplis d’histoire et de légendes que relient entre eux des sentiers empruntés par les contrebandiers et les pèlerins.

La grotte de Sare, un site classé Natura 2000

La randonnée nécessite, en tout, 10h de marche mais il est tout à fait possible de la faire en plusieurs fois. La partie la plus connue relie le village de Sare aux grottes de Zugarramurdi et d’Urdax (4h aller-retour). Vous pouvez donc commencer votre balade à Sare. Profitez-en pour admirer ce village, classé parmi les plus beaux de France.

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Vous pouvez vous garer au niveau de la grotte de Sare, que je vous conseille de visiter par la même occasion. La montagne Atxuria regorge de très nombreuses cavités mais seule la grotte de Sare est ouverte aux visites. Celle-ci en impose, notamment avec son porche d’entrée qui est considéré comme l’un des plus grands d’Aquitaine. Elle a servi d’abri aux hommes préhistoriques ainsi qu’aux ours des cavernes qui s’en servaient pour hiberner. Aujourd’hui, la grotte abrite des centaines de chauve-souris qui font l’objet d’un suivi attentif. La cavité est entourée d’un parc mégalithique dans lequel sont reproduis les monuments construits par l’homme durant la Protohistoire comme, par exemple, les dolmens ou les tumulus. A travers ces reconstitutions, le parc s’intéresse aux rites d’inhumation et d’incinération des hommes préhistoriques. Enfin, un petit musée permet d’exposer les objets découverts sur le site (silex, ossements humains, trésors monétaires romains, vestiges napoléoniens…) tout en approfondissant le rôle des chauves-souris dans cet écosystème.

Le chemin de la randonnée commence sur le parking de la grotte, un peu en contrebas. Le sentier est facile. Il est l’occasion d’une balade agréable entre les collines et les prairies.

Le sentier des contrebandiers

Cette randonnée est imprégnée d’histoire car elle reprend une partie de l’ancien tracé emprunté par les contrebandiers afin de passer illégalement leurs marchandises (tabac…) de la France à l’Espagne. La contrebande était une activité répandue au Pays basque, notamment aux XVIIIème et XIXème siècles. Ils utilisaient ce chemin car les environs de Sare présentaient l’avantage d’être jalonnés par de nombreuses grottes. Ils utilisaient les cavités afin de dissimuler leurs butins.

Les grottes de Zugarramurdi, entre histoire et légendes

Au départ de Sare, la randonnée vous mène aux grottes de Zugarramurdi. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant, il est célèbre dans tout le Pays basque pour avoir été le témoin de la plus longue et de la plus importante chasse aux sorcières de toute l’inquisition espagnole ! Cet épisode particulièrement sombre de l’histoire semble être à la mode avec la multiplication de films et de séries qui lui sont consacrés comme Les sorcières de Zugarramurdi, réalisé par Alex de la Iglesia, ou Les filles du Feu, diffusée par France 2.

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En arrivant sur Zugarramurdi, vous serez d’abord frappé par la beauté du paysage. Le petit village avec ses maisons traditionnelles typiques de la Navarre est niché au cœur d’un paysage montagneux verdoyant et enchanteur. Les grottes, complètement ouvertes sur l’extérieur, présentent un impressionnant tunnel karstique non loin duquel coule un ruisseau. Le cadre respire le calme et la sérénité. Pourtant, le poids de l’histoire reste encore bien présent et auréole les lieux de mystère. Le village, en effet, abrite toujours la maison où se seraient déroulés les procès en sorcellerie tandis qu’un petit musée retrace les étapes de cette sordide histoire. Quant au prés attenant à la grotte, il accueillait les fêtes rituelles qui rendaient hommage à la nature. Or, c’est la nature même de ces fêtes qui va déchaîner les passions.

Mais que s’est-il donc passé à Zugarramurdi ?

Pour bien comprendre le contexte de l’époque, il faut remonter à l’année 1609 et se tourner vers le Pays basque français. Le seigneur d’Urrugne et le conseil municipale de St Jean-de-Luz sont en conflit ouvert pour des raisons qui restent encore obscures. Toujours est-il qu’ils s’accusent mutuellement de sorcellerie pour discréditer l’adversaire. L’affaire prend une telle proportion que le roi, Henri IV, donne les pleins pouvoirs au juge Pierre de Lancre. Sa mission ? Eradiquer la sorcellerie de la région. Pour le souverain, c’est l’occasion rêvée de mettre au pas une région considérée comme rebelle envers l’autorité.

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À peine arrivé, le juge est choqué par la liberté dont jouissent les femmes. Ces dernières, en effet, vivent seules une partie de l’année car leurs maris partent chasser la baleine au Canada, au large de Terre-Neuve. En leur absence, elles siègent au conseil et votent les décisions du village. De plus, elles s’adonnent à des bains de mer et dansent librement sur la plage. C’est inimaginable pour un homme du XVème siècle, d’autant plus qu’elles parlent un dialecte (le basque) dont les racines exactes restent encore inconnues. Pour lui, le doute n’est plus permis : elles ont passé un pacte avec le Diable ! Il ne comprend ni leurs coutumes, ni leurs cultures. Les fêtes locales, les danses dans les prairies et à l’entrée des grottes pour célébrer le retour des troupeaux sont assimilés à des rituels sataniques.

Des suspectes sont arrêtées dans tous les villages avant d’être enfermées au château de St Pée-sur-Nivelle et torturées pour obtenir des aveux. 80 femmes et enfants périssent sur les bûchers en l’espace de quelques mois. Les procès prennent subitement fin en 1610 lorsque les hommes reviennent plus tôt que prévu du Canada. La chasse aux sorcières se déplace alors au Pays basque espagnol.

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En 1609-1610, une habitante de Zugarramurdi prétend avoir participé à des sabbats sur la plage de Ciboure et dénonce une autre villageoise. Cette dernière reconnaît les faits et, sous la pression populaire, accuse sa tante de l’avoir initié à la sorcellerie. Les accusations s’enchainent et les procès se multiplient dans toute la région. L’hystérie se répand et 30 000 spectateurs se pressent à Zugarramurdi pour voir les sorcières brûler. L’histoire rejoint ici le mythe.

Si vous voulez en apprendre davantage sur cet épisode, je vous recommande de faire un tour au musée du village. Il retrace l’histoire de ces procès à travers des audiovisuels, des scénographies attractives et des écrans interactifs. Vous pouvez, également, jeter un œil à la Casa Iriartea. C’est dans ce gite rural que furent capturées certaines des femmes déclarées comme sorcières par l’inquisition espagnole.

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Urdax, entre sorcellerie et pèlerinage 

Vous pouvez ensuite poursuivre votre chemin en direction d’Urdax, un charmant village à l’architecture typiquement basque dans lequel se trouve un ermitage, un joli moulin ainsi qu’un monastère. Celui-ci tint un rôle crucial dans la tenue des procès pour sorcellerie de Zugarramurdi. Les lieux attirent de nombreux pèlerins, en route pour St Jacques de Compostelle. Profitez-en pour faire un détour par la grotte d’Urdax. Celle-ci servait d’habitation aux hommes de la Préhistoire, comme le prouvent les gravures retrouvées sur des stalactites. Des légendes locales prétendent qu’elles étaient aussi utilisées comme abri par les laminak (facétieux lutins de la mythologie basque).

De là, vous pouvez repartir vers Sare ou vous diriger vers Ainoha. Ce village est classé parmi les plus beaux de France. Vous pourrez, notamment, y admirer le lavoir et les belles demeures du XVIIème siècle avant d’entreprendre le retour sur Sare.

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La marche des sorcières, une activité insolite

Vous souhaitez effectuer cette randonnée de manière plus originale ? Alors, laissez-vous guider par Julien. Durant une randonnée de 3h30 entre Sare et Zugarramurdi, il vous racontera les moindres détails des procès en sorcellerie qui animèrent le Pays basque en 1609-1610 ainsi que leur contexte politico-religieux. Pour plus de sensations, il est aussi possible de faire des balades contées nocturnes. A la lueur des bougies, Julien vous dressera le portrait des principaux personnages de la mythologie basque. Une merveilleuse manière de faire vivre l’histoire de cette région tout en perpétuant la mémoire de ces lieux.

La marche des sorcières.

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Quelques conseils pratiques

Il est important de préparer correctement sa randonnée. Avant de partir, assurez-vous de disposer d’une carte précise du sentier et de porter des vêtements adaptés à la randonnée en montagne (pas de claquettes). N’oubliez pas d’apporter de l’eau et de la nourriture. Au Pays basque (et plus généralement en montagne), la météo peut être changeante. Prévoyez donc des capes de pluie, au cas où.

Enfin, le sentier des contrebandiers est toujours utilisé afin de faire passer de la marchandise illégale d’un pays à l’autre. De plus, vous passez de la France à l’Espagne. Par conséquent, munissez-vous de votre carte d’identité. Elle vous sera utile si jamais vous tombez sur une patrouille.

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Entre montagnes, prairies et grottes, cette randonnée fera le bonheur des amoureux de la nature et des passionnés d’histoire ! Elle permet de plonger au cœur d’un épisode sombre de la région, dont le traumatisme semble encore résonner jusqu’à nous. Si vous le désirez, vous pouvez passer à St Pée-sur-Nivelle où a été inauguré, en 2010, une stèle pour rendre hommage à toutes les victimes de cette chasse aux sorcières. Les ruines délabrées du château ayant abrité les procès sont, également, encore visibles malgré la végétation abondante qui les entourent.